Annulation du visa d'exploitation du film "Antichrist" de Lars von Trier
Dans une décision rendue le 25 novembre 2009 (n° 328677 et 328769), le Conseil d'Etat a annulé le visa d'exploitation du film de Lars von Trier "Antichrist. Deux associations étaient à l'origine de ce litige : l'association Promouvoir (déja en demande dans l'affaire "Baise-moi", voir Séverine DUPUY-BUSSOn, "Les incertitudes de la qualification juridique de film pornographique", Légipresse n° 180, avril 2001, pp. 42 à 45) et l'association Action pour la dignité humaine.
En l'espèce, c'est en raison d'une motivation insuffisante de la décision que le visa assorti d'une interdiction aux mineurs de 16 ans a été annulé. Le Ministre de la Culture s'était en effet contenté de suivre l'avis de la commission de classification des oeuvres cinématographiques mentionnant un "climat violent" alors que la mesure devait comporter l'énoncé des considérations de fait et de droit en constituant le fondement.
Le Conseil d'Etat n'a pas pris position sur la question posée au fond. Ainsi, le visa annulé n'existait plus, mais le Conseil d'Etat n'ayant pas estimé que l'interdiction aux moins de 16 ans était insuffisante pour protéger l'enfance, l'adolescence et la dignité humaine, le Ministre devait rendre une nouvelle décision, mais qui pouvait être identique. Dans l'attente, le film ne pouvait plus être projeté en salles. Un nouveau visa, conforme aux règles de fonds et de forme encadrant la matière, a été rendu le 26 novembre 2009.
Notons cependant le paradoxe mis en lumière par ce litige : "alors que la motivation est traditionnellement exigée afin de protéger l'exercice des libertés publiques, son défaut en l'espèce aura permis de faire droit à des demande tenant sur le fond à restreindre l'exercice de la liberté d'expression cinématographique" (Frédérique de la Morena, La Semaine Juridique, n° 24, 14 juin 2010, P; 1263).
Séverine DUPUY-BUSSON
Avocat à la Cour
Docteur en Droit
Chargée de cours à l'Université d'Evry-Val d'Essonne