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LE BLOG JURIDIQUE de Séverine DUPUY-BUSSON, Avocat au Barreau de Paris
15 octobre 2010

Réforme de l’audiovisuel public : quel bilan plus

Réforme de l’audiovisuel public : quel bilan plus d'un an après ?

Par Séverine DUPUY-BUSSON

Docteur en Droit

Chargée d’enseignement à l’Université d’Evry-Val d’Essonne

Avocat à la Cour

Voilà maintenant un peu plus d’un an et demi, suite à la loi du 5 mars 2009, que les coupures publicitaires ont été supprimées sur les chaînes de télévision publiques entre 20h et 6h du matin. Il s’agissait alors de donner à l’audiovisuel public les moyens de mieux exercer sa mission de service public et de se dégager de la pression de l’audience. Cet objectif est-il atteint aujourd’hui ? Et, alors que la publicité devrait totalement disparaître des antennes de France Télévision fin 2011, est-il opportun ou non de la maintenir en journée ?

La loi du 5 mars 2009[1] a eu pour vocation de recadrer les chaînes de télévision publiques et de les rappeler à leur mission de service public. Pour comprendre les motifs de ce recadrage, un retour dans le passé s’impose.

I)                   Comment les chaînes publiques ont-elles fini par céder à la pression de l’audience ?

A l’origine, le secteur de l’audiovisuel en France était un monopole d’Etat. Puis une libéralisation progressive fut instaurée par étapes. Le secteur passa successivement du statut de la radiodiffusion- télévision française à l’ORTF (Office de radiodiffusion- télévision française) en 1964. Une réforme introduite en 1974 provoqua ensuite « l’éclatement » de ce dernier. Cependant, on considère que l’abandon réel du monopole d’Etat sur la radio- télévision en France s’est produit en 1982[2] avec  l’adoption de la loi du 29 juillet 1982 relative à la communication audiovisuelle. L’abandon du régime jusque là officiellement en vigueur a permis l’émergence, aux côtés du secteur public, d’un secteur privé de l’audiovisuel, et a fait émerger un système concurrentiel de la radio- télévision.

A)    Le début de la spirale infernale de la course à l’audience :

Dans les mois qui ont précédé l’adoption de la loi de 1982, les inquiétudes ont été vives. Nombreuses furent les voix qui s’élevèrent pour exprimer les craintes de voir le Paysage Audiovisuel Français (PAF) glisser progressivement dans une logique de rentabilité et de course à l’audience, au détriment de la qualité des programmes.

A ce propos, la télévision italienne de l’ère Berlusconi fut pointée du doigt comme l’exemple « vulgaire et débilitant » à ne pas suivre.

Dans un pays où, pendant longtemps,  « il y eut identité entre télévision et service public »[3]de telles réflexions semblaient logiques. Logiques et légitimes, dans la mesure où, en France, l’usage privatif du domaine public de l’Etat, la ressource hertzienne[4], est gratuit. De cette gratuité découle un certain nombre d’obligations caractérisant l’exception culturelle française.

C’est vraisemblablement ces réticences qui peuvent expliquer que seule la chaîne thématique cryptée Canal Plus s’engouffra dans la brèche en 1984.

Il faut en effet attendre la promulgation de la loi du 30 septembre 1986[5] pour qu’un véritable secteur privé de l’audiovisuel voit le jour en France. Ce sera, en mars 1987, la création de M6, chaîne appartenant à Publicis, Gaumont et NRJ, surgie des cendres de TV6[6]. Suivie de la naissance de

la Cinq

de Silvio Berlusconi, qui disparaîtra en 1992. Puis de la privatisation de TF1 en 1988. Notons que lorsque la première chaîne de service public qu’était TF1 fut privatisée, elle conserva dans sa programmation des caractéristiques de service public, notamment s’agissant du poids de l’information politique et générale.

A partir de cette période, le PAF connut une profonde mutation[7], instaurant la « course à l’audience » et éloignant de plus en plus l’audiovisuel public de sa mission originelle de « service public ».

La notion de « service public » de la communication audiovisuelle n’est pas définie précisément. « Nul ne parvient à la définir exactement ni à en déterminer, avec rigueur, les contours et la portée. (…) Elle sert à justifier des obligations multiples (…). »)[8]. En droit administratif général[9], la notion sert à désigner une activité assurée par la collectivité publique, en vue de satisfaire un besoin d’intérêt général.

Ce qui revient à dire que les seules lois du marché ne peuvent répondre à ces besoins collectifs essentiels et, s’agissant de la communication audiovisuelle, que la « course à l’audience » ne peut être le seul principe de référence des activités audiovisuelles publiques en France.

La loi du septembre 1986 ne précise pas ce qui relève de cet intérêt général. Elle se contente d’énumérer certaines contraintes considérées comme l’expression d’une mission de service public en audiovisuel,  à savoir « éduquer, informer, cultiver, distraire ».

Ces missions, traditionnelles des statuts antérieurs de la radio- télévision[10], constituent encore aujourd’hui, même si cela ne figure pas expressément dans la loi, un des principes essentiel du secteur audiovisuel français. Cette référence sert avant tout à corriger les effets d’une programmation commerciale déterminée par les seuls soucis d’audience.

Faute de théorie générale, on en énumère les éléments constitutifs qui incluent notamment l’indépendance et l’impartialité du secteur, la qualité et la diversité des programmes, la défense et l’illustration de la langue et de la culture françaises.

A titre d’exemple, l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 énonce que les sociétés du secteur public de l’audiovisuel « poursuivent, dans l’intérêt général, des missions de service public. Elles offrent au public, pris dans toutes ses composantes, un ensemble de programmes et de services qui se caractérisent par leur diversité et leur pluralisme, leur exigence de qualité et d’innovation, le respect des droits de la personne et des principes démocratiques constitutionnellement définis. Elles présentent une offre diversifiée de programmes (…) dans les domaines de l’information, de la culture, de la connaissance, du divertissement et du sport. Elles favorisent le débat démocratique, les échanges entre les différentes parties de la population ainsi que l’insertion sociale et la citoyenneté. Elles mettent en œuvre des actions en faveur de la cohésion sociale, de la diversité culturelle et de la lutte contre les discriminations et proposent une programmation reflétant la diversité de la société française. Elles assurent la promotion de la langue française et mettent en valeur le patrimoine culturel et linguistique dans sa diversité régionale et locale. Elles concourent au développement et à la diffusion de la création intellectuelle et artistique et des connaissances civiques, économiques, sociales, scientifiques et techniques ainsi qu’à l’éducation à l’audiovisuel et aux médias (...). Elles assurent l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information ainsi que l’expression pluraliste des courants de pensées et d’opinion dans le respect du principe de l’égalité de traitement. »

Ces missions ne sont pas nouvelles puisque déjà, à l’époque de l’ORTF, elles constituaient les principes de base en matière audiovisuelle. Pourtant, progressivement, les sociétés nationales de programmes semblent être devenues des « entreprises commerciales d’Etat »[11].

En effet, l’émergence du secteur privé a eu, entres autres conséquences, d’entraîner les chaînes de télévision publiques dans une logique de rentabilité. Elles semblent avoir cédé à la pression de l’audience et se sont éloignées d’une mission de « service public » à proprement parler. Dès lors, une réforme s’imposait.

B)    Une première réaction législative : la réforme du 1er août 2000 :

La loi du 30 septembre 1986 a été modifiée à maintes reprises, notamment pour transposer certaines dispositions de la directive Télévision sans frontières de 1989[12]. L’une des modifications majeures apportée à cette loi est intervenue en 2000.

Avant même la réforme de 2009, cette loi avait pour objectif, outre le lancement du numérique hertzien en France, de recadrer  l’audiovisuel public.

L’objectif était de donner à l’audiovisuel public les moyens de mieux exercer sa mission spécifique au service de la vie citoyenne, du développement culturel et du rayonnement international. Cet objectif a alors entraîné un certain nombre de mutation.

La loi du 1er août

2000 a

ainsi créé la société holding « France Télévision » rassemblant France 2, France 3 et

la Cinquième

(alors rebaptisée France 5, pour symboliser son appartenance au groupe France Télévision) sous  la responsabilité d’un président commun. Cette création visait à renforcer la complémentarité éditoriale des chaînes et à constituer le service public « en pôle d’équilibre face à des opérateurs privés puissants »
[13].

Car dès 1993, le rapport de la commission de réflexion sur l’avenir de la télévision publique, dit rapport Campet, avait soulevé de pertinentes interrogations sur les missions de service public : «Maintenu dans les contraintes d’un financement mixte sans qu’il lui soit proposé des références lui assignant sa place propre dans le nouveau contexte concurrentiel, l’audiovisuel public n’a plus toujours la possibilité de se démarquer des standards des chaînes commerciales ».

La loi d’août 2000 a donc affirmé que les chaînes publiques devaient offrir au public, pris dans toutes ses composantes, un ensemble de programmes et de services faisant preuve de diversité, de pluralisme, d’exigence de qualité et d’innovation. L’offre, qui inclut le numérique, doit être variée dans le domaine de l’information, de la culture, de la connaissance, du divertissement et du sport. Les notions d’insertion sociale et de citoyenneté doivent être mises en valeur. Ces sociétés doivent également concourir au développement et à la diffusion de la création intellectuelle et artistiques et des connaissances civiques, économiques, sociales, scientifiques et techniques ainsi qu’à l’éducation à l’audiovisuel et aux médias.

Ces missions figurent désormais dans un texte de nature législative, et non plus seulement dans les cahiers des missions et des charges des chaînes concernées.

Dans cette même optique, le mode de financement de l’audiovisuel public a subi quelques modifications. D’une part, les décisions prises, pour la radio et la télévision publiques, à l’occasion de chacune des lois de finances ont dû, dès lors, être guidées par l’adoption de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens. D’autre part, le remboursement intégral des exonérations de redevance pour des motifs sociaux a été inscrit dans la loi. Enfin, le temps de diffusion des messages publicitaires sur France 2 et France

3 a

été sensiblement réduit.

En effet, la volonté gouvernementale d’affirmer l’identité du service public s’est traduite par une réduction de la durée des écrans publicitaires. Déjà, dans le cadre de la loi de finances pour 2000, et à compter du 1er janvier 2000, une réduction de douze à dix minutes par période de soixante minutes des écrans publicitaires avait été adoptée. Le but recherché était de mettre en œuvre cette réforme avant même le vote définitif de la loi d’août 2000.

La loi du 1er août a ensuite accru cette tendance puisque, pour chacune des sociétés France 2 et France 3, le temps consacré à la diffusion de messages publicitaires ne devait plus dépasser huit minutes par heure.

La volonté de démarquer les programmes des chaînes publiques de ceux des chaînes privées apparaît donc comme un débat récurrent en France. Et la réduction du temps consacré aux coupures publicitaires semble être, pour les pouvoirs publics, le meilleur moyen d’y parvenir. Mais est-ce pertinent en pratique ?

II)                Dégager l’audiovisuel public de la course à l’audience : une chimère ?

Le mardi 10 décembre 2002, soit un peu plus de deux ans après la réforme du secteur public de l’audiovisuel public du 1er août 2000, Catherine Clément a rendu un rapport sur la culture et la télévision publique au Ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon. Ce dernier lui avait demandé, par une lettre de mission du 7 juin 2002, « d’évaluer et d’analyser l’offre existante, sa qualité, son volume, sa position dans les grilles ainsi que de faire des recommandations et des propositions permettant d’intéresser le plus large public à la diversité culturelle ».[14] La question affichée était claire : la réforme d’août 2000 avait-elle porté ses fruits ?

A)    La réforme du 5 mars 2009 ou la nécessité de réussir là où les réformes précédentes avaient échoué :

Le rapport Clément portait un titre pour le moins ironique : « La nuit et l’été ». Il s’agissait là de faire allusion aux moments où la culture est présente à la télévision : « Le symptôme majeur de la culture sur France Télévisions tient à ses créneaux de diffusion – la nuit et l’été. (…) La culture est offerte aux Français aux heures où, majoritairement, ils dorment. »

Afin d’affirmer définitivement l’importance du service public de l’audiovisuel, le rapport proposait de l’inscrire dans le Préambule de la Constitution. Comme l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés, le service public de l’audiovisuel (radio et télévision) apparaîtrait alors comme un devoir de l’Etat.

Mais surtout, le rapport pointait l’antinomie qui serait constante entre culture et audience, et mettait ce constat sur le compte du contenu des programmes culturels : « Si les programmes culturels ont du mal, c’est que leur mise en scène est souvent trop vieillotte ». Le constat était que, certes, il n’est pas facile de faire passer sur le petit écran l’émotion du théâtre, de la chanson, de la danse. Mais il semblait regrettable que ces disciplines soient pratiquement évacuées de la télévision, tout comme la musique classique, l’urbanisme, l’architecture ou les arts visuels. En clair, seul le cinéma, art populaire par excellence, est présent sur le petit écran mais souvent dans une optique de promotion, de même que la littérature.    

Enfin, le rapport insistait les horaires de diffusion des programmes culturels. Ces derniers étant cantonnés aux secondes parties de soirée, le rapport préconisait, pour offrir à de larges publics de grands évènements artistiques, de les programmer en première partie de soirée. Constatant que la plupart des téléspectateurs « décrochent » aux alentours de 23 heures, c’est-à-dire au moment où les émissions culturelles débutent, le rapport estimait qu’il fallait trouver un moyen de les programmer entre 22h30 et 23 heures.

Il était également préconisé que, en troisième partie de soirée, les programmes culturels commencent au plus tard à minuit et demi.

Ce rapport, s’il eut le mérite de dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas, ne fut pas réellement suivi d’effets concrets. Mais il avait ouvert une brèche et imposa peu à peu dans les esprits l’idée selon laquelle une nouvelle réforme de l’audiovisuel s’imposait. Cela conduisit à la réforme du 5 mars 2009[15].

Cette loi a réformé les ressources publicitaires de la télévision publique pour que celle-ci ne soit plus soumise à la pression de l’audience et afin de voir débuter moins tard les émissions à vocation culturelles.[16]France Télévisions a ainsi vu son financement publicitaire totalement remanié, selon un processus envisagé en deux étapes : suppression partielle des coupures publicitaires entre 20 heures et 6 heures le lendemain, ce qui signifie qu’elles restent autorisées en cours de journée jusqu’en 2011. Cette mesure a pris effet dès janvier 2009.

Puis, fin 2011, la disparition définitive des coupures publicitaires était envisagée. Point important, cette mesure ne concerne que la publicité de marques. Par conséquent, elle ne s’applique pas aux « biens et services présentés sous leur appellation générique », aux « campagnes d’intérêt général », au parrainage, au placement de produit.

Privé de recettes publicitaires, il a été prévu que le secteur public de l’audiovisuel recevrait chaque année une compensation financée, en partie, par deux nouvelles taxes : une taxe sur la publicité télévisée pesant sur tous les opérateurs de télévision établis en France et une taxe sur les FAI (fournisseurs d’accès internet) qui distribuent des programmes audiovisuels.

Un an après son adoption, la loi de 2009 a-t-elle atteint son objectif ?

B)    La télévision publique un an après la réforme :

Voilà donc un peu plus d’un an que la publicité a disparu des chaînes publiques entre 20 heures et 6 heures du matin. Et pourtant, la  concurrence avec les chaînes privées est toujours  vivace et la « dictature » de l’audience semble se poursuivre. A titre d’exemple, la tranche 18h-20h sur France 2 est relativement similaire à celle de TF1 puisque, à cette heure là, les deux chaînes diffusent des jeux. Ceci témoigne bien de la recherche de la même cible.

De plus, si la publicité a effectivement disparu des grilles de l’audiovisuel public en soirée, elle a été remplacée par du parrainage. En effet, aux écrans publicitaires ont succédé une série de programmes courts parrainés par des annonceurs en tous genres. Cela est parfaitement légal puisque seule la publicité était concernée.

Néanmoins, on peut cependant considérer que pour le téléspectateur, la différence entre les deux notions de « publicité » et de « parrainage » est pour le moins ténue et surtout, on peut y voir, pour France Télévision, une façon de contourner l’interdiction.

D’un point de vue légal, la publicité se définit comme « toute forme de message (…) diffusé contre rémunération ou autre contrepartie en vue soit de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris ceux qui sont présentés sous leur appellation générique, dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou de profession libérale, soit d’assurer la promotion commerciale d’une entreprise » (article 2 du décret du 27 mars 1992 relatif à la publicité télévisée). Le même décret, en son article 17, définit le parrainage comme « toute contribution d’une  entreprise ou d’une personne morale publique ou privée, n’exerçant pas d’activités de radiodiffusion télévisuelle ou de production d’œuvres audiovisuelles, au financement d’émissions télévisées, afin de promouvoir son nom, sa marque, son image, ses activités ou ses réalisations ». Il est encore précisé dans le décret de 1992 que les chaînes de télévision publiques ne peuvent faire parrainer que leurs émissions correspondant à leur mission en matière éducative, culturelle et sociale.

L’interdiction de la publicité est donc partiellement contournée par le recours au parrainage qui rapporte environ 80 millions d’euros par an à France Télévision. La logique de rentabilité est toujours présente malgré la réforme. On constate d’ailleurs que les recettes publicitaires en journée sur France Télévision se sont très bien maintenues malgré la crise, et se sont transférées du soir vers la journée.

Gageons d’ailleurs que le placement de produit que le CSA vient d’autoriser à la télévision ne fera qu’amplifier ce phénomène. Publiée au JO le 5 mars 2010, la délibération confirme son autorisation « dans les œuvres cinématographiques, les fictions audiovisuelles et les vidéomusiques, sauf lorsqu’elles sont destinées aux enfants ».

La réforme a par ailleurs eu un effet bénéfique inattendu : elle a protégé le service public de la crise publicitaire consécutive à la crise économique, alors que, dans le même temps, les chaînes privées en ont considérablement pâti. TF1 et M6 ont ainsi perdu, pour la seule année 2009, près de 13% de leurs recettes publicitaires. Le report des investissements publicitaires des chaînes publiques vers les chaînes privées historiques n’a donc pas eu lieu. Ce sont, contre toute attente, les chaînes commerciales de la TNT qui en ont bénéficié, leurs recettes publicitaires en 2009 ayant augmenté de près de 50% (Source : débat organisé le mercredi 7 avril 2010 par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée Nationale sur le thème « La télévision et la publicité, un an après la loi sur le nouveau service public de la télévision ».).

Ainsi, les chaînes publiques veulent maintenir leur audience, surtout en cette période de concurrence exacerbée par la progression des chaînes de la TNT (W9, TMC, GULLI, …etc.), ce qui tyrannise quelque peu la démocratisation culturelle.

Si cette logique de rentabilité est toujours présente, les grilles de programmes des chaînes publiques ont cependant évolué vers un contenu plus culturel. On y voit désormais davantage de théâtre, de documentaires et de spectacles vivants aux heures de grande écoute. Et les parts d’audience réalisées par ces programmes ont fréquemment atteint des taux très satisfaisants. Ainsi, la ligne éditoriale des chaînes publiques est actuellement en évolution et témoigne d’une certaine prise de risque (ex : la diffusion du documentaire « Apocalypse »en prime time sur France 2 en décembre 2009).

De  plus, cela a permis à la deuxième partie de soirée de commencer à une heure décente, ce que les Français apprécient au vu des dernières études d’opinion publiées.

Pour autant, cette nouvelle ligne éditoriale doit-elle être mise au crédit de la réforme de 2009 ? C’est discutable, dans la mesure où le virage a été amorcé antérieurement, notamment s’agissant de la programmation de documentaires en prime time. Tout au plus peut-on estimer que la loi du 5 mars 2009 a amplifié ce phénomène, mais elle n’en est pas à l’origine. On admet néanmoins aujourd’hui à France Télévision que la réforme a encouragé cette nouvelle prise de risque dès 20h35 et a supprimé les problèmes d’annonceurs liés au prime time. Les cahiers des charges des chaînes publiques ont d’ailleurs été retouchés et leurs obligations patrimoniales ont été revues à la hausse.

Car lorsque la réforme a été adoptée voilà un an, la véritable attente concernait le soir et la pression de l’audience en prime time. La suppression de la publicité en soirée a eu un coût de 450 millions d’euros pour France Télévision, somme que l’Etat a compensé. Mais l’offre structurelle a explosé puisqu’on est passé en quelques années de 6 à 18 chaînes, puis la crise conjoncturelle est arrivée, ce que la réforme de 2009 n’avait pu anticiper. La donne est donc quelque peu changée aujourd’hui. Et Bruxelles vient de refuser la taxe de 0,9% qui doit peser sur les fournisseurs d’accès internet pour compenser le manque à gagner lié à la suppression de la publicité en journée.

France Télévision a alors recherché des solutions pour assurer la pérennité de France Télévision Publicité, dont les recettes ont été divisées par 8 entre 2007 et 2010. Il est aujourd’hui envisagé d’ouvrir son capital.

Dès lors, faut-il aller plus loin ou marquer une pause ? Si l’on veut comparer avec certains de nos voisins européens, on remarque qu’il n’y a pas de publicité sur les chaînes publiques anglaises, et qu’il y en a seulement en journée sur les chaînes publiques allemandes. Cependant, dans ces deux pays, la redevance audiovisuelle est beaucoup plus élevée qu’en France. Faut-il donc envisager une telle hausse en France ? C’est le souhait de nombreux professionnels de l’audiovisuel, qui se montrent également favorables au maintien de la publicité en journée. On estime en effet à France Télévision qu’il n’existe aucun enjeu éditorial à supprimer la publicité avant 20h, alors qu’en soirée, cela était crucial. Si c’était le cas, la « privatisation » de France Télévision Publicité semblerait alors délicate à mettre en œuvre.

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Ainsi, la dernière réforme en date du secteur de l’audiovisuel en France, mise en place par la loi du 5 mars 2009, était ambitieuse. Elle apparaissait également nécessaire, dans la mesure où, par glissements successifs, l’audiovisuel public s’est progressivement éloigné de l’essence même de ses missions de service public.

Pourtant, comme en 2000, il semble que la récente réforme ne soit pas totalement parvenue à en restaurer l’identité. Les chaînes de France Télévision sont toujours dans cette logique de rentabilité qu’on peut considérer comme néfaste à la qualité de certains programmes. Désormais, la grande question est de savoir si, fin 2011, il semble opportun ou non de supprimer la publicité en journée, comme cela était prévu.


[1] Loi n°2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, JO 7 mars 2009, p.4321 ; JCP G 2009, I, 139, Etude M. Verpeaux.

[2] Voir notamment Ch. GERMANN, « Vers la fin de la télévision publique ? Traité de savoir vivre du service public de l’audiovisuel », éd. De l’attribut, 2008.

[3] Laurence FRANCESCHINI, « Loi du 1er août 2000 : un nouvel élan pour le service public », Légipresse n° 175, octobre 2000, pp. 101 à 105.

[4] Il n’était pas encore question, alors, du numérique.

[5] Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, dite Loi Léotard, relative à la liberté de communication.

[6] Voir notamment Bruno BOUVET, « M6, 15 ans dans la cour des grandes »,

La Croix

, vendredi 1er mars 2002, p. 19.

[7] Voir notamment P. ALBERT et A. TUDESQ, « Histoire de la radio- télévision », PUF, coll. « Que sais-je ? », 2001.

[8] Emmanuel DERIEUX, avec le concours d’Agnès GRANCHET, « Droit des médias : droit français, européen et international », 5ème édition, 2008, LGDJ, p. 192.

[9] Voir notamment Y. GAUDEMET et J.C. VENEZIA, « Droit administratif », 18ème édition, 2005.

[10] Voir notamment H. ISAR, « Le service public et la communication audiovisuelle », Economica, 1995, 409 p.

[11] Emmanuel DERIEUX, avec le concours d’Agnès GRANCHET, op. cit., p. 239.

[12] Directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989, Directive qui vient d’ailleurs d’être à nouveau réformée : voir Camille BONENFANT-JEANNENEY et Séverine FAUTRELLE, « La révision de la directive « télévision sans frontières » : une adaptation du cadre réglementaire européen aux évolutions du paysage audiovisuel », R.A.E._L.E.A. 2006/4, pp. 645 à 655, 8 janvier 2008.

[13] Laurence FRANCESCHINI, op. cit., p. 101. 

[14] Voir notamment Emmanuel DE ROUX, « Le rapport Clément propose de sanctuariser l’audiovisuel public », Le Monde, mercredi 11 décembre 2002, p. 30.

[15] JO 7 mars 2009, p. 4321 ; JCP G 2009, I, 139, Etude M. VERPEAUX, op.cit.

[16] Voir également F. DUMONT et J. MARTHAN, « Réforme de l’audiovisuel », JCP G 2009, act.130 ; L. BOTALLO, « Audiovisuel français : un paysage en mutation », Doc. fr., Regards sur l’actualité janv. 2009, n°347.

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